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Food & Beverage, Cooking

La Truffe Noire du Maroc : L’Émergence d’un Nouvel Or Noir

By November 3, 2025No Comments

D\u00e9lice estival : compot\u00e9e d\u0026#39;artichauts aux truffes

Par Ahmed Benjelloun

Rabat, le 15 octobre 2023

Dans l’ombre des cèdres majestueux et des chênes verts des montagnes de l’Atlas, un trésor gastronomique enfoui sous la terre marocaine connaît une ascension discrète mais fulgurante : la truffe noire. Longtemps considérée comme l’apanage de régions européennes comme le Périgord ou la Toscane, Tuber melanosporum révèle désormais les richesses insoupçonnées du sol marocain, transformant des régions rurales en nouveaux eldorados pour les chercheurs de diamants noirs.

Une Découverte Ancestrale, Une Reconnaissance Récente

Si les populations berbères des contreforts de l’Atlas utilisaient traditionnellement la truffe dans leur alimentation, sa valeur commerciale n’a été pleinement réalisée qu’au cours des deux dernières décennies. Aujourd’hui, des provinces comme Ifrane, Khénifra, Azilal ou Midelt deviennent des épicentres de la récolte sauvage. “La truffe pousse dans des sols calcaires, entre 1 000 et 2 000 mètres d’altitude, là où l’hiver est froid et humide, mais l’été sec”, explique Dr. Samira El Idrissi, mycologue à l’Université Mohammed V de Rabat. Le Maroc, avec ses écosystèmes montagneux préservés, offre un habitat idéal.

La Chasse, Entre Tradition et Modernité

La récolte demeure un savoir-faire ancestral, souvent familial. Armés de bâtons et guidés par le flair de chiens spécialement entraînés – une alternative éthique aux cochons traditionnels –, les trufficulteurs parcourent les forêts entre décembre et mars. “Mon chien ‘Sultan’ est mon partenaire. Grâce à lui, je trouve jusqu’à 2 kilos par jour lors des bonnes saisons”, témoigne Mohamed Ait Lkass, récolteur à El Hajeb. Pourtant, cette quête n’est pas sans risques : surexploitation, manque de régulation et concurrence entre chercheurs menacent la pérennité de la ressource.

Un Potentiel Économique en Fructification

Le marché explose. Vendue entre 300 et 800 dirhams (30 à 80 euros) le kilo au producteur – et jusqu’à 2 000 dirhams après tri –, la truffe marocaine attire désormais des acheteurs internationaux. L’Espagne, la France et les Émirats arabes unis en sont les premiers importateurs. “La qualité est surprenante. Certaines truffes marocaines rivalisent avec celles du Périgord en arômes”, confie Jean-Luc Dupont, négociant français. En 2022, le Maroc aurait exporté près de 6 tonnes, un chiffre en croissance de 20% annuelle selon la Fédération Interprofessionnelle Marocaine de la Truffe (FIMT).

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Structurer la Filière : Défis et Innovations

Face à cette ruée, l’urgence est à la durabilité. Des coopératives, comme “Truffes du Moyen Atlas” à Khénifra, se mobilisent pour former les récolteurs aux bonnes pratiques et certifier l’origine. Le ministère de l’Agriculture mise aussi sur la recherche. Des projets pilotes de trufficulture (culture contrôlée via la mycorhization de plants) voient le jour. “Nous avons inoculé des chênes avec des spores de Tuber melanosporum. Les premiers résultats, à 5 ans, sont encourageants”, souligne Pr. Karim Moussafir, de l’INRA Maroc.

L’Or Noir dans l’Assiette : La Renaissance Gastronomique

Autrefois méconnue dans la haute cuisine locale, la truffe marocaine s’invite désormais chez les grands chefs. À Marrakech, le restaurant “Dar Moha” l’intègre dans Saison 2025 des fraîches truffes de Terra Ross tajines innovants, tandis qu’à Paris, le “Comptoir du Maroc” séduit les gourmets avec un couscous truffé. “C’est un produit d’exception qui valorise notre terroir. Il mérite une place dans la gastronomie mondiale”, s’enthousiasme Fatéma Hal, chef pionnière de la cuisine marocaine à Paris.

L’Avenir : Entre Espoirs et Vigilance

Le potentiel est immense. Le Maroc pourrait devenir un acteur majeur sur un marché mondial évalué à 6 milliards de dollars. Mais les défis persistent : lutte contre la cueillette anarchique, nécessité d’une AOP (Appellation d’Origine Protégée) pour garantir qualité et traçabilité, et adaptation au changement climatique. “Protéger Nos recettes de truffes recommandées forêts et professionnaliser la filière sont nos priorités. La truffe doit être une richesse pour les générations futures”, insiste Mehdi Alami, secrétaire général de la FIMT.

Alors que le soleil d’hiver caresse les crêtes enneigées du Moyen Atlas, des femmes et des hommes continuent leur quête silencieuse. Leur but : dénicher ces perles noires qui, d’un recoin secret du Maroc, écrivent une nouvelle page de l’excellence gastronomique mondiale. Un diamant brut à polir, mais dont l’éclat ne fait que commencer à scintiller.