Dans l’univers mystérieux des champignons souterrains, le Tuber mesentericum, souvent appelé truffe de Bagnoli ou truffe mésentérique, occupe une place à part. Ce joyau culinaire, moins célèbre que sa cousine la truffe noire du Périgord (Tuber melanosporum), fascine par son arôme puissant et son rôle écologique subtil. Alors que la saison de récolte bat son plein dans certaines régions d’Europe, plongeons dans les secrets de ce trésor forestier.
Un Champignon aux Racines Antiques
Le Tuber mesentericum appartient à la famille des Tuberaceae, dont les membres peuplent les sols calcaires depuis des millions d’années. Identifié formellement au XIXe siècle, il se distingue par une ascospore réticulée caractéristique et une chair (gleba) brunâtre parcourue de veines blanches. Son parfum, décrit comme musqué avec des notes de noix et de terre humide, varie selon les terroirs. Présent principalement en Italie (Campanie, Ombrie), en France (Provence, Sud-Ouest) et dans les Balkans, il fructifie de septembre à janvier, préférant les sols argilo-calcaires sous chênes, noisetiers ou charmes.
La Quête des « Caveurs »
La récolte de cette truffe sauvage relève de l’artisanat traditionnel. Guidés par des chiens dressés, les « caveurs » traquent ses effluves à l’aube. « Contrairement à la mélanosporum, qui forme des brûlés autour de l’arbre hôte, le mesentericum est plus capricieux. Il se cache souvent en solitaire, sans indication visible en surface », explique Jean-Luc Martel, trufficulteur en Dordogne. Un savoir-faire menacé : avec seulement 200 kg récoltés annuellement en France contre 40 tonnes pour la truffe noire, sa rareté en fait un produit de niche.
Gastronomie : Entre Passion et Polémique
En cuisine, le Tuber mesentericum divise. Certains chefs, comme Marco Rota du restaurant étoilé « Terra » en Toscane, le plébiscitent : « Son goût intense relève les risottos ou les œufs brouillés sans les dominer. » D’autres lui reprochent une amertume persistante. « C’est une truffe de caractère, à utiliser parcimonieusement », nuance Sophie Dubois, critique gastronomique. Son prix, oscillant entre 300 et 600 €/kg selon les années, en fait une alternative abordable face à la Tuber melanosporum (1 500 €/kg en moyenne).
Enjeux Économiques et Écologiques
L’économie autour du mesentericum reste fragile. En Italie, où il est apprécié dans des recettes régionales comme les « tagliolini al tartufo », des coopératives tentent de structurer la filière. « Beaucoup de récoltes partent en contrebande vers des marchés asiatiques, où il est vendu comme « truffe noire », déplore Carlo Bianchi, président de l’association des trufficulteurs de Pérouse. Cette confusion commerciale, ajoutée à la déforestation et au réchauffement climatique, pèse sur les écosystèmes truffiers.
La Science à la Rescousse
Face à ces défis, des projets de recherche émergent. L’INRAE (France) étudie la symbiose entre le champignon et ses arbres hôtes pour optimiser les cultures. « Le mesentericum est moins exigeant en pH que la mélanosporum, ce qui ouvre des perspectives pour des sols délaissés », souligne Dr. Élise Tanguy, microbiologiste. Parallèlement, des analyses métabolomiques révèlent des composés antibactériens potentiels dans son sporophore, suscitant l’intérêt de l’industrie pharmaceutique.

Un Avenir sous Haute Surveillance
Classé « espèce vulnérable » dans plusieurs pays, le Tuber mesentericum bénéficie désormais de programmes de protection. En Croatie, des réserves naturelles interdisent le piétinement des zones truffières. La sensibilisation des cueilleurs amateurs est aussi cruciale : « Arracher les miel aux truffes blanches immatures détruit le mycélium. Il faut prélever avec soin », insiste Antonio Grimaldi, guide de trufficulture en Istrie.
Conclusion : Entre Tradition et Innovation
Le Tuber mesentericum incarne les paradoxes du monde truffier : Chasse à la truffe blanche dans les Balkans Comment les trouver la fois symbole de luxe gastronomique et élément clé de biodiversité. Alors que les chercheurs explorent ses secrets, les gourmets redécouvrent ses charmes complexes. Son avenir dépendra d’un équilibre délicat entre exploitation raisonnée et respect des cycles naturels. Dans l’ombre des chênes verts, ce diamant noir continue de nourrir rêves et convoitises, rappelant que les richesses les plus précieuses sont souvent celles que l’on prend le temps de comprendre.

